Atradius France s’engage avec ses collaborateurs pour l’ESG. Retrouvez ci-dessous la présentation de deux premières initiatives.
Le 24 février 2022, les forces russes ont envahi l'Ukraine et entamé une guerre dont beaucoup pensaient qu'elle serait terminée en quelques jours. Près d'un an plus tard, la souffrance n'est pas prête de s'arrêter. Après une série d'attaques et de contre-attaques, les deux camps se préparent à une longue guerre d'usure.
Le conflit est d'abord une tragédie humaine, mais aussi une calamité économique. La vie économique des deux nations a été sévèrement limitée et les répercussions se font sentir dans toute la région et dans le monde entier. Dans une économie mondialisée, tout le monde est connecté et affecté.
Les perturbations économiques causées par l'invasion Russe de l'Ukraine auraient difficilement pu survenir à plus mauvais moment. De nombreux pays venaient à peine de sortir de la pandémie de Covid, qui a entraîné la fermeture d'usines, de magasins et d'ateliers dans le monde entier.
« L'environnement inflationniste a été aggravé, et non provoqué, par la guerre en Ukraine », explique Dana Bodnar, Economiste chez Atradius. « Le problème économique sous-jacent est le déséquilibre entre l'offre et la demande hérité de la pandémie. »
En d'autres termes, l'économie mondiale était en amont d’une période de reprise difficile. La dernière chose dont elle avait besoin était un autre choc.
Malheureusement, c'est exactement le choc qu'elle a reçu.
Il est difficile de déterminer avec précision la contribution de la guerre au ralentissement économique mondial, mais nous savons qu'elle est significative.
Par exemple, en Janvier 2022, Oxford Economics prévoyait une croissance du commerce mondial de 4,5% en 2022 et de 3,5% en 2023, des chiffres qui reflètent l'optimisme de l'après-blocage et de l'avant-guerre.
En Janvier 2023, le chiffre estimé pour 2022 était de 3% et la prévision pour 2023 de seulement 1,5%.
De même, le PIB mondial devait croître de 3,6% en 2023 dans les calculs d'avant-guerre, et de 1,3% lorsque les mêmes calculs ont été effectués au début du mois.
En d'autres termes, la guerre a un impact mondial important et exacerbe certains des effets négatifs de la pandémie de Covid-19.
Il va sans dire que la Russie et l'Ukraine ont été les plus touchées. En Janvier 2023, les prévisions de croissance du PIB de la Russie et de l'Ukraine pour cette année sont respectivement de -2,0% et -4,6% : on estime que l'économie russe s'est contractée de 2,9% en 2022, tandis que celle de l'Ukraine s'est fortement contractée de 30,1%.
En outre, les exportations ukrainiennes ont chuté de 32,5% l'année dernière. Les exportations russes se sont maintenues mais devraient baisser de 10,4% en 2023.
Les crises locales ont toujours des effets mondiaux, mais en apparence, la Russie et l'Ukraine ne semblent pas être des acteurs majeurs sur le plan international. Ensemble, leurs économies représentent moins de 2% du PIB mondial.
Mais le diable se cache dans les détails. La Russie et l'Ukraine ne contribuent pas beaucoup au total, mais ce qu'elles apportent est essentiel au bon fonctionnement du commerce mondial.
Plus important encore, la Russie est un important fournisseur de pétrole et de gaz, notamment pour l'Europe. Cet approvisionnement a chuté de 80% depuis le début de la guerre.
« Face à la perspective de voir les ménages et les entreprises manquer d'énergie en hiver, les pays européens ont commencé à se démener pour trouver des sources alternatives d'approvisionnement en gaz », explique Theo Smid, Economiste principal chez Atradius. « On en a trouvé au Moyen-Orient et aux États-Unis, mais à un coût élevé ».
Le résultat est une crise des prix de l'énergie en Europe et une augmentation des coûts. Le gaz naturel liquéfié (GNL) transporté par la mer qui a remplacé l'approvisionnement par gazoduc en provenance de Russie est un substitut coûteux.
Les prix européens du gaz sont redescendus suite au pic de 2022, mais sont quatre fois plus élevés que ceux d'avant-guerre. « L'importante rupture d'approvisionnement en gaz en provenance de Russie, qui n'est que partiellement compensée ailleurs, devrait se poursuive en 2023 », indique Dana.
Au-delà, le tableau s'assombrit. L'Europe devrait augmenter ses importations de GNL de 60% en 2023 pour remplacer les approvisionnements décroissants de la Russie, si elle peut se procurer cette capacité. Les États membres investissent dans les infrastructures, notamment dans de nouveaux terminaux, mais l'Europe demande le double de la capacité d'exportation disponible ailleurs dans le monde. Remplir les réservoirs de gaz avant l'hiver 2023/24 sera certainement un défi.
Pendant ce temps, l'UE interdira ou éliminera progressivement le pétrole, le charbon et le gaz russes, et la Russie détournera autant de production que possible vers la Chine et l'Inde.
Mais ce nouveau modèle de commerce mondial ne sera probablement pas aussi efficace que les arrangements précédents, ce qui freinera la croissance mondiale dans un avenir prévisible.
Les hausses des prix de l'énergie augmentent également les coûts de production des denrées alimentaires, exacerbant ainsi une pénurie d'approvisionnement. Avant la guerre, la Russie et l'Ukraine représentaient ensemble environ 30% des exportations mondiales de blé, 20% du maïs et de l'orge, et 13% des engrais.
Les prix des denrées alimentaires étaient en hausse avant la guerre, mais le conflit a amplifié cette tendance. En juin 2022, les prix du blé étaient 30% plus élevés que six mois auparavant. Un accord conclu sous l'égide de l'ONU a permis la reprise des exportations de céréales depuis l'Ukraine, mais les prix restent supérieurs de 20% à ceux d'il y a un an.
Les prix des engrais ont augmenté en conséquence directe des combats et en conséquence indirecte de la hausse des coûts énergétiques. Les producteurs d'engrais ont été touchés par la hausse des prix du gaz, tandis que les sanctions ont considérablement réduit les exportations d'engrais russes. La production européenne d'ammoniac (qui est utilisé pour la production d'engrais) a chuté de 70% depuis août 2022 en raison des préoccupations liées aux prix de l'énergie.
Les pénuries d'engrais devraient constituer une contrainte importante pour l'approvisionnement alimentaire mondial en 2023. L'impact sur les récoltes devrait être plus sévèrement ressenti en Europe et en Afrique.
Comme si cela ne suffisait pas, les deux pays fournissent d'importantes matières premières. Par exemple, la Russie est un fournisseur majeur de nickel, utilisé dans la fabrication de batteries. Avant la guerre, l'Ukraine produisait 50% du néon raffiné du monde, utilisé dans la production de semi-conducteurs.
Inévitablement, les prix ont augmenté, mais le ralentissement mondial a réduit la demande et a permis de contenir ces hausses, du moins pour l'instant. Les fabricants de puces ont réussi à répondre à la demande en utilisant les stocks de néons existants et les fournisseurs locaux. En outre, la demande de semi-conducteurs a ralenti depuis le troisième trimestre 2022, en raison de la baisse des commandes des fabricants de biens électroniques traditionnels et de la dégringolade des prix des crypto-monnaies.
Un autre impact de la guerre est l'augmentation des goulets d'étranglement dans la chaîne d'approvisionnement mondiale. « Certaines parties de la mer Noire et de la mer d'Arsov ne sont pas praticables et les compagnies maritimes ont fermé des routes pour éviter l'espace aérien et les ports russes », explique Theo. « Le détournement des itinéraires de fret augmente les coûts ».
Si la guerre se prolonge, l'économie mondiale continuera d'être secouée par ses conséquences directes et indirectes. L'Europe sera la plus touchée. Après une croissance estimée à 3,3% en 2022, les prévisions actuelles suggèrent que la croissance du PIB de la zone euro stagnera en 2023, alors que les prévisions d'avant-guerre tablaient sur une augmentation de 2,7%.
Dans le même temps, l'inflation est montée en flèche dans la région, avec une croissance des prix à la consommation estimée à 8,4% en 2022, soit plus du double des prévisions d'avant-guerre. Cette année verra un ralentissement de l'inflation, mais les prix devraient encore augmenter de près de 5%.
Les prévisions pour le Royaume-Uni indiquent des taux d'inflation similaires et une croissance du PIB de 4,1% en 2022 à -0,7% en 2023.
En raison de sa proximité avec la zone de guerre et de sa dépendance antérieure à l'égard du gaz russe, l'impact sur l'Europe est particulièrement fort. Mais personne n'est à l'abri des répercussions économiques de la guerre.
« La guerre a déclenché de fortes hausses des prix de l'énergie et des denrées alimentaires, ce qui a rongé les revenus des particuliers, réduit la demande et augmenté les coûts de production dans les économies avancées et émergentes », explique Dana.
Au fur et à mesure que de nouveaux modèles commerciaux s'installent et qu'une nouvelle normalité émerge, certains des impacts les plus aigus de la guerre peuvent s'atténuer un peu. Mais les nouvelles méthodes seront probablement moins efficaces que les anciennes. Un bouleversement de l'offre mondiale de pétrole et de gaz ne sera jamais facile.
Pour de nombreuses raisons - humanitaires et économiques - le meilleur espoir pour 2023 est une cessation rapide des hostilités.