L'immobilier de bureau face au Travail hybride
Les confinements dus à la pandémie ont révélé à des millions de travailleurs que, grâce à la digitalisation, le travail à domicile est non seulement possible, mais aussi souhaitable.
L'absence de trajets quotidiens, le confort apporté par les vêtements décontractés et le gain de temps libre ont montré qu’aller au bureau allait certainement devenir « has-been ».
Cependant, au fur et à mesure que les confinements se sont prolongés, il est devenu évident pour beaucoup de ces personnes que la présence d'enfants, d'animaux et la gestion des tâches ménagères n'est pas forcément propice à un travail productif, et que le manque de contacts avec leurs collègues et leurs responsables peut faire passer à côté d'importantes opportunités de carrière.
C'est de ce mélange d'expériences qu'est né le mode de travail hybride, un système où les collaborateurs partagent leur temps de travail entre le bureau et la maison, et qui a été adopté par des entreprises de toutes tailles dans le monde entier.
Au moins un secteur de l'économie a poussé un soupir de soulagement avec cette solution solomonique. Les sociétés de l'immobilier de bureau sont passées de la crainte de voir leurs immeubles de bureaux définitivement abandonnés à l'optimisme, avec la possibilité de conserver une partie importante de leur clientèle d'entreprises. Toutefois, le secteur est appelé à subir d'importants changements pour rester pertinent dans un monde post-pandémique.
La réalité est que, si les entreprises ne se retirent pas complètement de leurs bureaux, il est très probable qu'elles souhaiteront moins de surface à l'avenir. Une étude récente menée par Morgan Stanley auprès d'entreprises américaines a révélé qu'environ 13% des espaces de bureaux loués dans le pays devraient être rendus à l'échéance des contrats en cours. Une autre étude, commandée par la Building Owners and Managers Association International, BOMA, a révélé qu'une majorité de locataires de bureaux réévalueront leurs besoins en espaces de bureaux, et que 37% d'entre eux prévoient d’en louer moins à l'avenir.
« Les sociétés immobilières ont des contrats de location qui courent sur plusieurs années, mais, lorsque ces contrats prendront fin, elles auront probablement des demandes pour revoir leurs conditions contractuelles », a déclaré Edwin Kuhlman, Responsable de l'équipe Risques de Global chez Atradius à Amsterdam. « Ils pourraient avoir du mal à louer les espaces aux mêmes prix, ou pourraient perdre leurs locataires lorsque les entreprises se déplacent vers des installations plus petites. »
Même conserver la location de surfaces moins importantes de la part des locataires actuels devrait également nécessiter beaucoup d'efforts de leur part. Les changements induits par la pandémie et la digitalisation accélérée des entreprises signifient que les propriétaires devront adapter leurs locaux aux nouvelles méthodes de travail. Les espaces de travail d'antan, basés sur des bureaux fermés, devraient tomber dans l'oubli, tandis que les espaces partagés prendront le devant de la scène. De nombreux employés viendront au siège de leur entreprise pour faire du remue-méninges et avoir des contacts sociaux avec leurs collègues, autant que pour effectuer leur travail. Les locataires souhaiteront que les bâtiments soient préparés pour la prochaine pandémie, en proposant des mesures de sécurité telles que l'installation de systèmes de purification de l'air plus efficaces.
« La plupart des entreprises auront besoin d'un mélange d'espaces de collaboration, de réunion et de concentration, en plus des espaces qui favorisent les interactions sociales informelles », indique Microsoft dans un récent rapport.
La question de savoir sur quoi ce processus va aboutir reste posée, car de nombreuses alternatives différentes circulent. Certaines entreprises ont adopté un modèle appelé « hub and spoke », dans lequel un bureau central concentre un certain nombre de fonctions comme les réunions stratégiques et la formation, tandis que les équipes se réunissent dans des bureaux satellites situés dans des endroits moins étendus. D'autres envisagent sérieusement le télétravail total pour leurs collaborateurs du middle et du back-office, qui ont besoin de moins d'interaction avec les autres départements de l'entreprise, afin de réduire leurs dépenses immobilières. Les espaces de co-working en banlieue sont une alternative pour les collaborateurs qui ne veulent pas rester chez eux ou qui n'aiment pas l'idée d'avoir à se rendre au bureau tous les jours. Et les entreprises qui travaillent dans des secteurs complémentaires, comme la banque et l'assurance, ont expérimenté le partage de locaux de la même manière que les détaillants le font depuis des décennies dans les centres commerciaux.
« Nous devrions commencer à voir des changements plus importants à mesure que les baux arrivent à échéance et que les entreprises réévaluent si elles ont besoin de la même surface », a déclaré David Culotta, Responsable des risques chez Atradius aux États-Unis.
La transformation que les sociétés immobilières doivent adopter variera toutefois en fonction des marchés sur lesquels elles opèrent. Des recherches menées par Steelcase, un groupe d'architecture, ont révélé que les travailleurs de pays comme l'Allemagne et la France sont beaucoup moins susceptibles d'opter pour le travail à domicile, tandis que leurs homologues mexicains et indiens expriment des tendances inverses. Dans certaines grandes villes comme Amsterdam et Madrid, les sociétés immobilières ont commencé à reconvertir des immeubles commerciaux en logements, dont on a bien plus besoin que de bureaux, dans ces métropoles surpeuplées.
« La transformation de bâtiments commerciaux en nouveaux complexes de logements ou en appartements est quelque chose que nous verrons plus souvent dans les années à venir », a déclaré M. Kuhlman.
Fabienne ALLAINGUILLAUME
Directrice Marketing & Communication